Charte de la Maçonnerie Traditionnelle libre
Paris 1969 (E\V\)
Nous, Maçons Traditionnels Libres, déclarons nous soumettre aux règles, définitions et principes suivants et nous engager à les respecter en toutes circonstances.
I
La Franc-Maçonnerie est de nature spirituelle, religieuse et traditionnelle. Elle a pour but la transformation initiatique de ses membres par la méditation de la Loi d’Amour de l’Evangile de Saint Jean et la pratique rigoureuse des usages, des rites et des cérémonies maçonniques. Cette transformation doit, et ne saurait s’opérer effectivement que dans un climat de tolérance, de modestie, de modération, de discrétion, de loyauté absolue, de calme et de courtoisie.
II
C’est pourquoi la Franc-Maçonnerie doit bannir avec une extrême rigueur de ses Loges, sous peine de manquer à sa mission fondamentale tout ce qui est contraire à ces définitions. Elle doit notamment se refuser à toute activité dans le domaine confessionnel, politique, social, économique et financier, ce qui est une source abondante de mésentente et de conflits entre ses membres. Les Loges s’interdiront tout exposé et tout travail sur ces sujets et leurs membres s’abstiendront de toute conversation de ce genre lors des réunions maçonniques quelles qu’elles soient.
Les Maçons se doivent également d’observer une grande décence dans leurs propos et de s’abstenir de tout excès susceptible de modifier et d’altérer leur comportement.
III
L’entraide a toujours été une des grandes règles de la Franc-Maçonnerie. Elle exige cependant d’être exercée avec beaucoup de discernement. Elle doit notamment se limiter aux services qui allègent les difficultés réelles que rencontrent les uns et les autres au cours de leur existence et ne jamais devenir une sorte d’association matérielle ou de complicité pour le profit.
Ainsi, sous la réserve de la discrétion qui est une des grandes lois de la Franc-Maçonnerie, l’entraide qui intervient entre les Maçons peut à tout instant être connue de tous, en particulier des Officiers des Loges et des dirigeants fédéraux, sans que personne ait à en rougir ni à formuler de réserves.
On s’abstiendra en outre de demander un service à un Maçon qui n’est pas vraiment en mesure de le rendre et l’on s’interdira de même de rendre un service s’il sort de sa compétence réelle ou s’il comporte, un risque, si faible soit-il, pour sa propre situation.
On se souviendra toujours que l’exercice imprudent et erroné de l’entraide est une autre des grandes causes des conflits qui peuvent surgir dans les Loges et mettre en danger le travail initiatique qui doit seul s’y accomplir.
IV
La bienfaisance est aussi un des buts les plus anciens de la Franc-Maçonnerie. Elle se distingue de l’entraide en ne se limitant pas aux membres de l’Ordre. Elle est pratiquée soit par les Loges, soit individuellement par leurs membres.
Cette bienfaisance s’exerce matériellement grâce aux fonds recueillis par le tronc qui circule pour cet objet dans les assemblées. Le don qui est fait dans cette circonstance est un acte essentiel qui doit être proportionné aux ressources de chacun. C’est pourquoi les membres des Loges se feront une règle d’adresser leur obole chaque fois que les circonstances les empêcheront d’assister aux assemblées. Ils n’omettront jamais non plus de déposer leur obole lorsqu’ils sont dans l’obligation de se retirer avant la clôture des travaux.
Les maçons constatent qu’en l’état actuel des sociétés humaines, la détresse, la misère, la souffrance, les malheurs du monde, et l’inégalité en tous domaines ne cessent de s’aggraver alors que la vocation essentielle, primordiale et fondamentale de l’homme devait laisser espérer le contraire.
Or l’authentique bienfaisance se révèle à nous dans la totalité de son ampleur. L’humain peut s’éveiller, s’accomplir et commencer de réaliser son destin en compensant et dépassant les aléas issus de la société, de la nature, de la culture et de l’égoïsme multiforme.
La vérité de la bienfaisance est là : au secours de toutes les souffrances, au service de la dignité morale et matérielle des êtres en témoignant par la pensée, la parole et l’action d’un autre ordre humain spirituel dont l’amour de Dieu, de l’humanité et de la création est la priorité absolue, la valeur suprême.
V
Parmi les dangers qui menacent la vie initiatique des Loges, la recherche des honneurs et les rivalités qui en résultent doit certainement être considérée à l’égal des plus graves. La hiérarchie qui est une des structures naturelles de la Franc-Maçonnerie peut en effet tenter des Maçons plus soucieux d’apparence que de réalité, plus désireux d’exercer une autorité illusoire que d’assumer pleinement des charges et des responsabilités.
Il faut reconnaître par ailleurs que la place importante que prennent nécessairement des Maçons compétents, actifs et dévoués est un autre péril, car ces derniers habituent les membres des Loges à la facilité et leur succession devient d’année en année plus difficile.
C’est pourquoi les Maçons Traditionnels Libres estiment que le changement de Vénérable chaque année dans les Loges est une pratique à recommander vivement. Il est également souhaitable que le futur Vénérable ait occupé les différents postes des filières propres à chaque rite.
Les aptitudes de tous peuvent ainsi apparaître clairement et les listes des Officiers à élire chaque année ne doivent être établies que dans le seul intérêt de la Loge et du rite, et jamais dans un esprit de complaisance ou de concession à une vanité trop humaine. Il n’y a d’ailleurs pas d’exemple qu’un Frère désireux de servir la Maçonnerie, ne puisse y parvenir pleinement dans la limite de ses capacités.
VI
Les Loges sont dirigées de façon collégiale par les Maîtres Maçons réunis en Conférence de Maîtres, limitée aux seuls membres actifs. La plus large unanimité est toujours recherchée. Les Apprentis et les Compagnons ne sont jamais associés ou mêlés aux décisions à prendre ni aux discussions qu’elles suscitent.
VII
Les initiations et les affiliations ne sont décidées qu’à l’unanimité, ce qui signifie que chaque membre d’une Loge dispose d’un droit d’opposition pour des motifs sérieux et légitimes. On ne doit pas permettre en effet qu’une Loge soit troublée par l’admission d’un nouveau membre contre le gré d’un membre plus ancien. Si la répétition ou le nombre de ces oppositions crée une crise au sein d’une Loge, une issue possible est la création d’une nouvelle Loge, ce que tous doivent faciliter dans un climat de conciliation.
Ces initiations et ces affiliations devront être précédées de la plus large publicité maçonnique permise par les circonstances, ces actes importants devant être accomplis au su de tous en toute clarté et loyauté.
D’une façon plus générale, on ne perdra pas de vue que l’association maçonnique étant fondée sur la libre cooptation et la coexistence paisible et harmonieuse, aucune règle supérieure à celles-ci ne saurait imposer à des membres, séparés momentanément ou durablement par des antipathies ou des incompatibilités, de continuer à se fréquenter dans la même Loge. Cette situation, profondément regrettable certes, mais qui se rencontre malheureusement parfois, compromet en effet tout travail initiatique et toute évolution heureuse des uns et des autres. On devra dans ce cas s’efforcer de parvenir d’un commun accord à des essaimages ou à des changements d’appartenance ce qui, en supprimant dans l’immédiat des causes de frictions, sera aussi un moyen sûr de rétablir dans l’avenir des relations plus normales et plus satisfaisantes.
VIII
Les augmentations de salaire sont de la même façon décidées à l’unanimité. Les candidats subissent un examen sérieux sur leur instruction maçonnique. Leur conduite doit être, à tous égards, irréprochable. Seule la Loge mère a qualité pour accorder ces augmentations de salaire, au besoin par délégation.
IX
Les Maçons Traditionnels Libres constatent que le pluralisme des rites est désormais une réalité maçonnique qui doit être admise. Ils affirment qu’à travers ce pluralisme des rites une recherche initiatique méthodique et prudente doit permettre de retrouver l’essence traditionnelle de la Maçonnerie. Les rites ne s’excluent pas, ils se complètent. Ils doivent cependant conserver tous leur plus grande pureté ainsi que leurs traditions et usages propres. Un Maçon peut pratiquer plusieurs rites mais il faut dans ce cas qu’il s’abstienne soigneusement de les mêler par ignorance ou par un désir irréfléchi de bien faire.
Les Maçons Traditionnels Libres font choix à ce jour de trois rites :
- Le Rite Français Traditionnel (Rite Moderne Français Rétabli, issu de la Grande Loge de 1717).
- Le Rite Ecossais Rectifié (issu en 1778 et 1782 de la Stricte Observance).
- Le Rite Anglais Style « Emulation » (issu en Angleterre de l’Union de 1813).
Ils estiment que la réunion de ces trois systèmes, égaux en intérêt et en valeur initiatique, a de fortes chances de rassembler la quasi totalité de la tradition maçonnique et que tous les autres systèmes sont composés des mêmes éléments, parfois avec moins de cohérence.
Chacun de ces trois rites comporte un ou plusieurs grades complémentaires qui sont conférés dans des organismes nettement distincts des Loges symboliques et de leur fédération.
Chaque rite doit être pratiqué dans le respect absolu des textes et définitions fondamentaux à savoir :
- Pour le Rite Français Traditionnel (Rite Moderne Français Rétabli), les schémas directeurs reconstitués selon les textes français des XVIIe et XIXe siècles et les vieux documents anglais et écossais sur les rituels et les instructions par demandes et réponses, dont le plus ancien actuellement connu remonte à 1696.
- Pour le Régime (ou Rite) Ecossais Rectifié, les textes définitifs rédigés à Lyon de 1785 à 1787 sous la direction de Jean-Baptiste Willermoz et selon les schémas adoptés au Convent de Wilhelmsbad (1782).
- Pour le Style « Emulation », les textes actuellement en usage dans la Loge de Perfectionnement Emulation
Enfin les Maçons Traditionnels Libres portent tout leur intérêt à la Maçonnerie opérative d’avant 1717 ainsi qu’aux systèmes opératifs qui auraient survécu jusqu’à nos jours et se réservent soit de les pratiquer soit d’y puiser les enseignements nécessaires à une meilleure compréhension de leurs rites.
Ils adoptent les armes accordées en 1472 à la Compagnie des Maçons de Londres et sa plus ancienne devise : « God is our Guide », « Dieu est notre guide », qui doit s’entendre dans tous les sens mais aussi et surtout au sens opératif, en se souvenant que l’Eternel sur le Sinaï guida Moïse en lui donnant tous les plans du Tabernacle, qui devait lui-même être le modèle du Temple élevé à Jérusalem sous les ordres du Roi Salomon, avec l’aide du Roi Hiram de Tyr et le précieux concours d’Hiram Abif.